On connaît l’appétence de Franck Cammas pour les vacances. L’autre jour, claudiquant sur sa patte blessée (qu’il a bien failli perdre suite à son accident de décembre), et discourant, il remontait difficilement le courant temporel pour trouver trace de farniente rémunéré : « euh… quelques journées par-ci par-là… ah oui j’ai été au Cap Horn à l’automne pour un trip en catamaran… J’avais aussi été faire le tour de la Nouvelle-Calédonie… C’est souvent la mer… Je ne suis pas toujours très bien en vacances, j’ai parfois l’impression de perdre mon temps. » Plus tôt dans la vie, Francky avait aussi consenti un séjour Club Med à une amoureuse, au cours duquel il n’avait pu s’empêcher de gagner en duo la régate des gentils membres.
Franck Cammas navigue 320 jours par an, ce qui, ajouté à son talent naturel, lui permet de collectionner un bric-à-brac de ferrailles, appelés trophées, qu’il entasse sur des étagères oubliées dans la salle de séjour de sa base opérationnelle de Lorient. Quand il fut presque acquis l’an passé, que ni Accor ni personne, ne procurerait assez d’argent pour aller ramener le très convoité, mais aussi le plus moche trophée esthétique qui soit (la fameuse aiguière de la Coupe de l’America que même Tatie Danielle ne voudrait pas pour servir le thé), Franck sentit venir les affres d’un encombrant (pour lui) poil qui gratte dans la main et devient baobab. Alors il déroula son palmarès, long comme un road book moto d’une étape marathon du rallye Dakar, et dénicha une ligne manquante : le Vendée Globe. Ben oui, Francky goes sur tous les podiums –Figaro, Rhum, Jules Verne, Vor – mais pas sur celui-là. « Ca ne m’intéresse pas trop » serinait-il régulièrement. Le mono et le solo c’était du passé. Pourquoi aller doucement quand on peut aller vite? Pourquoi s’emmerder seul quand on peut s’assembler avec les meilleurs? Sauf que quand on est au bout du ponton, et que le vide s’annonce, c’est dans les vieilles vagues que peut s’annoncer la new-wave.
« Oui, un moment, quand on n’arrivait pas à partir sur la Coupe, je me suis intéressé au Vendée Globe » nous/vous confie t-il.
Comme Franck ne picole guère, ce fut plus qu’une idée de soir de cuite.
« On a regardé sérieusement. L’idée c’était un projet gagnant. »
On l’aurait deviné.
« On a regardé les moules, on a vu des chantier et tout ça, mais on était un peu tard pour construire. L’idéal c’était de racheter SMA… »
SMA, l’ex Macif, l’ancien destrier qui porta François Gabart à une victoire fluide sur le dernier Vendée.
« On était convaincus qu’en le transformant avec des foils, il serait plus rapide que les bateaux neufs soumis aux contraintes de la jauge » (tiens, tiens, avis de pas n’importe qui).
Petite contrariété: Cammas n’est pas le seul à avoir l’œil malin. Michel Desjoyeaux, via sa structure Mer Agitée, avait récupéré le bateau convoité, l’affrétant pour son nouveau protégé Paul Meilhat.
« Alors on a laissé tomber le projet, on allait le faire mal. »
Petit miracle printanier, gros changement de règlement et de budget, enveloppe suffisante de Groupama et la conquête de la Coupe est redevenue possible.
Franck a échappé aux vacances. S.L’H.
PLUS: à lire samedi dans l’Equipe Mag, Cammas et sa blessure, Cammas et les nouveaux risques, Cammas et la Coupe, mais pas Cammas et le Vendée.
Commentaires récents